Une « Madame Bovary » chinoise remporte la « Coquille d’or » de Saint-Sébastien

 

sn-seb-1Triomphe chinois au Festival du cinéma de Saint Sébastien. La « concha » (coquille) d’or de la 64e  édition de la kermesse internationale de cinéma a été remportée par le film dont le titre originel est Wo Bu Shi Pan Jinlian. Traduit avec une légère entorse par rapport au titre du fameux roman de Flaubert « Je ne suis pas Madame Bovary », ce film est l’œuvre du réalisateur Xiaogang Feng. La protagoniste principale du film, la chanteuse et présentatrice Fan Bingbing, véritable star dans son pays, a  également obtenu le prix de la meilleure interprétation féminine.

Contre l’administration

Le film raconte l’histoire d’une jeune femme de la campagne qui affronte le machine bureaucratique de l’État pour obtenir le divorce qu’elle avait perdu auparavant. Le film peut être interprété comme une dénonciation ironique d’une fonctionnariat carriériste plus intéressé à s’auto-protéger  qu’à servir ses concitoyens. Dès lors le leitmotiv du film est clair : « une petite fissure peut faire tomber un édifice entier ». Cette dernière phrase aurait pu  être le titre du film, mais, comme l’a expliqué son réalisateur, « nous avons cherché dans la littérature universelle un personnage qui pouvait permettre au public international de s’identifier avec la protagoniste ».

Une esthétique remontant à l’Empire du milieu

Avant de poursuivre, il convient de faire deux remarques  sur cette  vraie-fausse « Madame Bovary » chinoise; la première est d’ordre formel et la seconde  d’ordre politique. D’abord, il faut signaler que les scènes tournées dans la campagne chinoise, se distribuent de manière circulaire sur l’écran, comme au temps  du muet. Fan Bingbing, l’actrice-protagoniste, a expliqué ce choix par « un clin d’œil esthétique à l’art de la dynastie Song »…Cette esthétique qui  s’inspire de la tradition  de l’Empire du milieu  est bien  vu.  Car,  sans être pour autant un spécialiste de l’art chinois ancien, le spectateur lmbda  aura perçu le contraste  entre le monde rural de la paysanne (circulaire sur l’écran)  et le monde urbain de la bureaucratie ( format rectangulaire). Un claire métaphore esthétique pour souligner le décalage entre citoyens et État.

Ensuite il ne faut pas se méprendre sur   la dénonciation politique toute en ironie de l’appareil bureaucratique chinois. Celle-ci  bien que remarquable n’est pas aussi dénuée d’espoir sur la capacité du système à s’auto-réformer.  Certes il est impossible de ne pas saisir les limites de que ce qui, à première vue, pourrait être pris par une critique ironique du Parti communiste chinois. Mais quand de hauts-fonctionnaires se déplacent et bousculent maladroitement  une petite ‘camarade paysanne’ puis s’en excusent, cela laisse entendre  que le système n’a pas encore perdu de vue son  idéal égalitaire.

En d’autres mots, la Coquille d’Or de Saint-Sébastien n’est pas allé à un film revendiquant  la dissidence politique. Bien  au contraire, nous y voyons une invitation , sourire ironique aux lèvres, au système chinois contemporain de ne pas oublier les petits camarades des campagnes parce que, comme l’affirme le leitmotiv du film : « une petite fissure peut menacer le bâtiment entier ».

Restons en Asie, mais changeons de pays : le coréen Hong Sang-Soo, a remporté la coquille d’argent du meilleur réalisateur avec l’énigmatique film « Yourself and Yours ». Très succinctement, le film raconte l’histoire d’une rupture de deux amants ;  lui est un peintre qui part à la recherche de la bien aimée sans la retrouver. Mais la représentation filmique génère un espace de de dissonances et des mystères par rapport à l’espace- temps  des protagonistes. Cela  n’a pas gêné le réalisateur. « Des spectateurs se sentiront mal à l’aise avec le manque d’informations  sur l’histoire », ou de fil conducteur clair dans l’histoire, « d’autres se sentiront stimulés par le le mystère » de dire Hong Sang-Soo. Ces mots de l’un des réalisateurs lles  en vogue de Corée, nous laissent une marge d’interprétation large et nous avons vu dans le langage et les gestes du caractère féminin du film, la caricature du dragueur masculin faisant la cour à des partenaires occasionnels autour d’un verre. Dit autrement, la femme coréenne se comporte en homme dragueur et cela déstabilise les messieurs courtisés. Peut être que le mystère dont parle le réalisateur est effectivement le mystère ressenti par ces hommes pris en contre pied par rapport à une femme qui drague avec les mots des hommes !

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