Saint-Sébastien 2017 : Wenders, Varda, Bellucci à l’honneur

Trois grands noms du cinéma ont marqué le début de la 65e édition du Festival du cinéma de Saint-Sébastien. Si « Submergence », le titre anglais du dernier opus de Wim Wenders, a ouvert le festival en marquant le retour de l’illustre cinéaste, Agnès Varda pour sa longue carrière et l’actrice italienne Monica Bellucci, étaient également à l’honneur.

C’est une histoire d’amour que nous raconte Wenders. L’idylle naît entre une bio-mathématicienne et un agent du service secret britannique à la veille de leurs missions respectives. Le danger guette. La scientifique dans un sous-marin aux fin fond des abîmes de l’Océan Atlantique, et l’agent en Somalie pour infiltrer les jihadistes. Il est significatif qu’avant leurs missions, leur rencontre a lieu à Dieppe, lieu d’une sanglante déroute alliée en 1942 où cinq mille soldats canadiens trouvèrent la mort à la suite d’un débarquement avorté. Le clin d’œil est clair, les deux amants se perçoivent dans la continuité du sacrifice (anglo-américain) elle pour la science, lui pour la guerre contre la mal.

Le valeur du film tient essentiellement dans la splendide interprétation des interprètes : « un amour qui se construit lentement, sur la base d’une attraction intellectuelle » de dire l’actrice Alicia Wikander . En fait, les deux adjectifs « lent » et « intellectuel » ne se retrouvent pas souvent associés à l’amour sur grand écran de nos jours. On salue donc l’interprétation de l’actrice suédoise qui joue une « Anglo » et l’acteur James McAvoy.

Mais venant d’un maître comme Wenders, cela ne suffit pas : le film est décevant. Pourquoi ? Parce que son oeuvre reflète sans critiquer. Dans la science comme dans la guerre une mondialisation (qu’on est tenté d’appeler – anglo-balisation) où l’angle, la culture , bref la vision du monde, bref, est anglo-saxonne, il manque justement une mise en perspective, une critique intellectuelle de ce phènomène. Dit brutalement : quiconque à Hollywood aurait pu faire Submergence.

On est loin de celui qui déclarait voici quelques décennies que « les Américains (étaient) en train de nous coloniser le subconscient ». Aujourd’hui Wenders aurait-il consenti à être « submergé » ( pour filer la métaphore) par la mondialisation qu’il dénonçait naguère ? Il n y a rien de mal à ça, mais encore faut-il en être conscient. En conférence de presse Wenders nous a assuré « qu’il avait réussi a éviter de se transformer en réalisateur anglo-américain ». Le film en soit est impeccable, mais du « maestro » sur «  les ailes du désir »  et de « Paris au Texas »  on espérait un film qui témoigne d’un « subconscient » moins colonisé par le modèle dominant.

Venons à l’autre grand nom de ce début de festival  : Agnès Varda, gagnante cette année du prestigieux Prix Donostia (Saint-Sébastien en langue basque) de la carrière. Varda a accepté « avec humilité » un prix qui couronne une carrière commencée au milieu des années 50. En conférence de presse Agnès Varda a éclairé sa vision du cinéma en affirmant un point de femme réalisatrice « radicale et marginale ». Même si on lui reconnaît une attention pour les marginaux (ce qui n’implique pas d’être marginale), les deux adjectifs nous semblent un peu exagérés, on parlerait plutôt de son rôle fondamental dans l’avant-garde de la Nouvelle vague, et cinéaste déterminante pour entendre la modernité cinématographique. De Varda on saluera le fait d’avoir fait des films populaires mais non commerciaux où « il n y a pas de personnages, mais des personnes » et souvent « des gens sans pouvoir ».

Bella Bellucci

De l’arrière au devant de la camera. L’autre prix à la carrière est allé à Monica Bellucci, hommage à la beauté méditerranéenne. Occasion pour Bellucci de parler de ses ambitions et de son passé professionnel. Statuaire, Monica, peut être trop, le public de Saint-Sébastien n’est pas une passerelle de Dolce et Gabbana, ni un salon parisien. Un peu de jeu « méditerranéen » aurait rendu tous plus heureux. Une première de cette 65e édition du festival : un sud américain – l’argentin Ricardo Darin obtenait un prix pour l’ensemble de sa carrière.

Terminons cette chronique en signalant que le film français « Jusqu’à la garde » de Xavier Legrand a remporté le prix du public de Saint-Sébastien pour le meilleur film européen. On peut dire donc que le premier long-métrage de Legrand est bien parti hors les frontières de l’hexagone, sachant que le prix du public est validé par le vote des spectateurs. C’est l’histoire d’un manipulateur qui essaie de récupérer le pouvoir sur sa femme par le biais de la garde partagé de l’enfant qu’ils ont eu ensemble. « Ce qui m’intéressait était de raconter les actions de l’homme du point de vue de ses victimes » a expliqué le cinéaste. Un peu « voyeuriste » le premier long de Xavier Legrand ? « Même si il peut être gênant de regarder dans la vie intime des autres, devant la violence domestique il faut être voyeur » affirme-t-il.

 

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