Pour une Europe transculturelle

En stratégie militaire, la victoire s’obtient en s’attaquant au maillon faible. Et dans l’espace politique contemporain, l’Europe constitue bien, hélas, ce maillon faible qu’il a suffi d’enfoncer pour triompher. L’Europe caricaturée en une bureaucratie pointilleuse, fait les frais du manque de vision de notre classe politique, des modes opératoires de nos démocraties représentatives dépassées par les technologies,  et de la difficultés de nos sociétés civiles à faire  émerger de nouvelles élites politiques en mesure de  fonder la citoyenneté européenne autrement que sur  les nations -la fameuse « Europe des nations » chère à De Gaulle. Car, paradoxalement et bien que les ultra-nationalistes aient triomphé, c’est bien cette Europe des nations qui est morte ce dimanche dernier.  Le présent dossier entend faire un point à cet égard en mettant en lien des articles anciens et nouveaux, publiés dans nos pages  depuis  huit ans. Vous pouvez y lire une continuité de visions et de préoccupation qui fait de la diversité culturelle la nouvelle ligne de front  au sens propre et figuré du combat pour la démocratie.

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« Si c’était à recommencer, je commencerai par la culture ». Sans reprendre cette célèbre phrase que l’on prête à Jean Monnet, il apparaît de plus en plus évident que c’est la culture qui est le véritable ciment de l’Union européenne.  Jadis, il est vrai, la nation a été l’aiguillon de notre modernité. La Révolution française avait commencé à dissoudre les formes traditionnelles de l’appartenance à un territoire et à une ethnie pour en redéployer les restes dans un ensemble nouveau : l’état-nation. Cette forme politico-juridique hybride, allait se répandre dans le monde et fédérer notre espace politique comme nos représentations. Mais aujourd’hui, il n’est plus facteur de modernité comme jadis. La mondialisation est passée par là en détricotant l’assise économique locale qui naguère permettait le développement d’une économie dont le périmètre était d’abord limité au marché intérieur.

Menée par l’accélération des flux financiers et par les technologies de communication, la modernité telle qu’elle a été affirmée par les poètes -et non par les économistes !-, passe désormais par un autre canal que celui qui fixe un individu à son sol natal ou à son ethnie. Et ce canal ; c’est la culture qui, comme l’homme, n’est pas réductible à une marchandise.

Cette irréductibilité de la culture constitue bien le socle à partir duquel doit se redéployer une citoyenneté bien tempérée ouverte sur ses appartenances multiples (y compris nationales). C’est ce nouveau seuil qu’il s’agit de franchir collectivement si on ne veut pas rester prisonniers de représentations qui nous conduisent à dénouer dans la violence le contrat social et le droit positif qui le sous-tend.

La culture n’est pas la cinquième roue du carrosse mais bien « l’énergie noire » qui maintient la cohésion de notre univers politique et social. L’amplification des technologies l’illustre chaque jour. La complexité, le maillage de la culture révèle l’intime porosité de notre identité. (En effet qui n’a pas dans sa famille, un oncle, un grand-père une grand-mère qui ne vienne d’ailleurs.)

Mais aujourd’hui cette diversité s’affirme. Elle ne doit pas être considérée comme une menace mais le vecteur de ce que pourrait être une citoyenneté transculturelle en Europe. C’est le souhait que je formule contre les nostalgiques d’une identité exclusivement nationale. A bon entendeur, salut !

 

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