Le 9e forum de Fès sur la diversité : l’éducation en tête

La 9e  édition du Forum de  Fès sur l’Alliance des civilisations, la diversité culturelle et le partenariat euro- méditerranéen  se déroulera  à Fès  les 7, 8 9 décembre  sur le thème de l’investissement dans le capital humain à travers l’éducation et le savoir dans les pays arabes: une panacée pour le développement durable. Impulsé par le Pr. Abdelhak Azzouzi  un proche du Mohamed VI, ce forum réunit depuis six ans des personnalités du monde arabo-musulman  et occidental. Voici les détail du communiqué de presse et l’hyper lien.

Les médias occidentaux ont eu tendance à exalter le printemps arabe avec d’autant plus d’enthousiasme qu’ils ne l’avaient pas prévu. Ce terme même de printemps arabe renoue avec une formule encore utilisée de nos jours par les historiens et qui fit florès en 1848 pour désigner le singulier phénomène de contagion qui affecta alors toute l’Europe : un peu partout, les manifestations se multiplièrent pour plus de liberté et de démocratie, ce qui notamment permit à la France de revenir en République. Le précédent n’est d’ailleurs pas complètement rassurant puisqu’à l’époque, dans nombre de pays, la défaite des mouvements populaires se traduisit par une aggravation de l’autoritarisme. Pour la période actuelle, il convient de s’interroger sur cet embrasement qui traversa la plupart des grandes villes du sud de la Méditerranée et qui affecta même l’Europe avec, par exemple à Madrid, le mouvement des indignés. Pendant quelques semaines, il n’y eut à peu près personne pour se croire complètement à l’abri. (Pour plus de détails, voir l’ouvrage récent rédigé par les Pr. Abdelhak Azzouzi et André Cabanis, « Le néo-constitutionnalisme marocain à l’épreuve du printemps arabe », l’Harmattan, Paris (290 pages).

Maintenant que l’été a remplacé le printemps, alors que la Libye semble sortir de la période d’incertitudes où elle se trouvait et que des interrogations demeurent pour ce qui est de la Syrie, chacun constate que l’apparence d’unité de ces mouvements dissimule des modalités très différentes d’une nation à l’autre. Un peu partout, les attentes de la population se sont traduites par des manifestations, avec une forte participation de la jeunesse et la multiplication de slogans où l’ampleur des espoirs à moyen terme détonnait avec la pauvreté des objectifs immédiats, où la générosité des intentions contrastait avec la violence des invectives à l’égard de la classe politique, y compris parfois et paradoxalement contre l’opposition institutionnelle.

Il est intéressant de remarquer ici combien les anciennes théories et les paradigmes sur l’autoritarisme arabe peuvent conduire à des descriptions très sombres de la réalité car, dans la plupart du temps, ces paradigmes sont plus intellectuels que sociologiques et s’inscrivent sur le registre des normes culturelles qui prétendent s’imposer en Occident, voire dans les pays arabes.

Dans cette vision réductrice des approches culturalistes et essentialistes circulent des descriptions résiduelles sur les Arabes, sur leur affinité innée pour l’autoritarisme, sur l’incompatibilité entre démocratie et Islam scellant ainsi l’avenir du monde arabe dans l’abomination absolue de l’autoritarisme. La subjectivité intellectuelle de cette logique de l’académisme interdisait qu’on explore les progrès réalisés par certains pays arabes sur le chemin de la démocratisation ou que l’on puisse s’appuyer sur le passé pour prévoir les révolutions en cours.

Il est clair que « la culture arabo-islamique » n’est théoriquement en rien incompatible avec la démocratie. Elle n’est pas à l’origine de l’autoritarisme arabe. Ce sont les régimes autoritaires qui sont à l’origine de cette situation.Ils ne font pas prévaloir la volonté populaire. Ils tirent leur autorité non pas du peuple mais d’eux-mêmes, c’est-à-dire de leur propre supériorité. En d’autres termes, l’autoritarisme de Ben Ali, de Moubarak, de al Assad, etc. repose sur des moyens de coercition et de violence plutôt que sur la persuasion dans les rapports entre gouvernants /gouvernés.

Mais la question qui reste en suspens, à laquelle peu d’auteurs s’attachent, est de savoir pourquoi le printemps arabe a commencé en 2011 et non pas avant ? A notre avis, l’explication la plus réaliste est la consolidation dans l’imaginaire collectif des jeunes des pays arabes du caractère public de l’autorité. Dans les régimes démocratiques, le pouvoir souverain n’appartient qu’au peuple, en ce sens que chaque individu composant ce peuple, sent qu’il dispose d’une parcelle égale de souveraineté. Or l’homme « ordinaire arabe », jusqu’à une date récente ne se sentait pas dépositaire de cette parcelle de souveraineté qu’il déléguerait, par des votes librement exprimés et non entachés de fraudes, à des représentants élus pour prendre les décisions publiques en son nom. « Les individus ne semblent pas conscients que les forces et les ressources dont dispose l’Etat ont pour origine la collectivité, que ce soit le surplus créé par le travail local ou les matières premières contenues dans le sous sol ». En d’autres termes, les jeunes manifestants qui ont occupé la place Tahrir ou le boulevard Bourguiba ont appréhendé le pouvoir comme ayant un caractère public. Les courants de protestation et de contestation se sont élevés dans l’espace public pour s’insurger contre l’usage que font les régimes de la notion de l’autorité et des ressources publiques dont ils sont les dépositaires.

C’est pourquoi les jeunes révoltés ont ré-envahi les espaces publics après la destitution de leur Rais pour demander son jugement ainsi que celui de sa famille. Ces derniers, s’identifiant à l’Etat, dont ils croyaient être les seuls à incarner la pérennité, estimaient n’avoir de compte à rendre à personne et partant, présentaient partout le risque d’arbitraire et de despotisme. Cette situation rappelle la remarque de Machiavel : « il y a deux degrés de la puissance : celle qui se nourrit de la faiblesse d’un peuple, et celle qui se nourrit de sa force ».

Aujourd’hui, la plupart des pays arabes sont en face de plusieurs défis dont le bien être de leur population, l’emploi, etc. Pour cela les Etats arabes doivent avoir des stratégies de développement bien réfléchies dans un contexte en pleine ébullition et où les attentes de la population sont énormes pour que la Démocratie puisse s’installer et que les dommages collatéraux de la période d’incertitude et de transition soient réduits.

Dans cet ordre d’idées, il va sans dire que  la crise du développement arabe s’est approfondie et atteint un degré de complexité tel qu’elle requiert le plein engagement de tous les citoyens arabes dans une réforme globale afin de provoquer une renaissance humaine dans la région. Les réformes partielles, si variées soient-elles, ne sont plus efficaces, voire possibles. Peut être ne l’ont-elles jamais été, dans la mesure où la réforme requiert un environnement social favorable.

Reposant sur des données statistiques et comparatives, les deux premiers rapports du Programme des Nations Unies pour le développement, aboutissent à des conclusions dans les différents domaines économiques, sociaux, culturels et politiques. Elles ne laissent aucune place ni au simplisme ni aux constructions hâtives et peu convaincantes sur l’intrigante et exaspérante exception du monde arabe. Une étude comparative dans le premier rapport, fondée sur les facteurs de développement dans plus de 190 pays, a prouvé le rôle pivot du capital humain et social dans le développement. Ce facteur intervient dans une proportion de 64 % alors que le capital matériel (machines, infrastructures) n’intervient que dans une proportion de 16 % et celui du capital naturel dans 20 % seulement. Il en ressort que le retard du monde arabe dans le domaine des connaissances et de leur usage engendre une absence logique des demandes démocratiques.

Le système éducatif souffre de plusieurs carences : un enseignement de plus en plus décadent, une acquisition médiocre des savoirs, des capacités décourageantes en matière d’analyse et de créativité. A titre d’exemple : les Arabes constituent 5 % de la population du monde, partagent une religion, une langue et une histoire commune mais ne publient que 1 % des livres. Le volume d’ouvrages traduits par exemple en grec est cinq fois supérieur à ceux traduits en langue arabe alors que seulement 11 millions d’habitants parlent le Grec ; l’enseignement supérieur est de moins en moins compétitif et les niveaux de financement de la recherche sont les plus médiocres au monde.  L’acquisition et la transmission généralisées de la connaissance et de l’éducation sont l’instrument sine qua non du développement et affectent les capacités de questionnement, d’exploration intellectuelle et d’initiative.

Le capital humain par le truchement du savoir, de l’éducation, contribue directement au bien être. Il procure aux individus des avantages parmi lesquels l’amélioration des revenus du travail et l’employabilité. Il assure en définitive la croissance économique. Le capital humain se forme dans divers contextes – au sein de la famille et du foyer, dans l’environnement immédiat, sur le lieu de travail et dans de nombreux autres cadres. La sphère d’intervention des pays arabes dans le capital humain est donc très vaste mais elle constitue la panacée…

D’après l’OCDE, outre les avantages dont profitent les individus, l’investissement dans le capital humain peut être bénéfique pour l’économie dans son ensemble. En principe, il devrait être possible de discerner cette incidence économique globale dans le taux de croissance économique, mais en pratique il est difficile de la confirmer et de la chiffrer. Des travaux très récents de l’OCDE ont contribué à apporter des éclaircissements à cet égard et ont montré que dans les pays Membres, une année supplémentaire d’études aboutit, en moyenne et à long terme, à un accroissement de la production par habitant de 4 à 7 %.

Le capital humain a aussi de multiples avantages non économiques. Ainsi, l’instruction tend à améliorer la santé (elle-même une forme de capital humain). Une année supplémentaire d’études, réduit, selon les estimations, la consommation quotidienne de cigarettes de 1.6 pour les hommes et de 1.1 pour les femmes ; semble accroître le bonheur ; favorise l’instruction de la génération suivante. Les enfants dont les parents ont atteint le deuxième cycle de l’enseignement secondaire ont eux-mêmes plus de chance d’aller au bout de leurs études secondaires ; et est associée à une participation plus grande à la vie civique, à des activités bénévoles plus nombreuses, à l’octroi de dons plus importants, à des œuvres de charité, et à un risque plus faible de délinquance.

Fidèle à ses choix initiaux, le Forum de Fès de cette année abordera du 07 au 10 décembre 2012 ces sujets qui touchent l’avenir du monde arabe, voire de l’humanité. Ainsi, la thématique de cette année tournera autour du thème « L’investissement dans le capital humain à travers l’éducation et le savoir dans les pays arabes : Une panacée pour le développement durable ». Ce Forum cherchera à élucider les esprits, à apporter des analyses savantes, à mettre fin aux amalgames, à percevoir, à comprendre ce qui est en jeu, de manière à pouvoir assumer les métamorphoses nécessaires. C’est là le niveau fondamental de la problématique. Le Forum aspire à tracer une véritable feuille de route institutionnelle en mettant en exergue les stratégies que doivent suivre les Etats à la suite des derniers changements politiques pour assurer le développement de leurs nations. Les conclusions de ce Forum serviront, comme à l’accoutumée, de base à l’élaboration de programmes et de projets conséquents.

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