La mémoire ou l’oubli : un vaccin pour la maladie d’Alzheimer ?

Le combat pour la mémoire de la culture passe également par le combat contre la maladie de la mémoire.

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Je veux témoigner de l’arrivée prochaine d’un vaccin pour la maladie d’Alzheimer dont personne ne parle. Oui, c’est une histoire personnelle.

Patricia, ma femme bien-aimée, a été frappée par cette implacable maladie il y a maintenant six ans, ou mieux : c’est en 2017 que les premiers symptômes sont apparus, ce qui veut dire que la maladie était là, sans effets perceptibles, déjà depuis dix ans ou plus. Patricia vient juste de nous quitter, le 8 mai dernier. Épuisée, vidée de toute son incroyable vitalité et créativité, elle est sortie de scène, elle n’a pas voulu attendre le vaccin. Patricia, qui a été réalisatrice, scénariste et monteuse, a réalisé en 1994 un court métrage de fiction sur la maladie d’Alzheimer, avec le metteur en scène Jean-Pierre Ronfard dans le rôle de son père Paul, mort d’Alzheimer en 1996. Le film se trouve ici : https://www.youtube.com/watch?v=qLoi2BDyC2w 

Et pour le reste de son travail, il y a aussi ce lien : https://patriciavergeylentassinari.com/

Les chiffres concernant l’alzheimer sont ceux d’une épidémie, la seule exception étant que la maladie frappe majoritairement les gens âgés, mais pas seulement. Au Canada, presque 600 000 personnes vivaient avec la maladie d’Alzheimer en 2020, et ce nombre augmentera pour arriver, en 2030, à près d’un million. Aux États-Unis seulement, en 2020, quelque 5 millions 800 000 personnes souffraient de cette maladie et au niveau mondial, plus de 55 millions de personnes, selon l’Organisation mondiale de la santé, vivent actuellement avec la démence.

Or, tout le monde sait qu’aujourd’hui il n’y a pas de cure pour l’alzheimer ; il s’agit juste d’assister le malade, de l’accompagner dans son déclin, un voyage au bout de la nuit, vraiment. Les neurologues qui n’ont aucune ressource thérapeutique ne parlent même pas de vaccin, les médias nous donnent quelques notices vagues et le monde n’en sait rien. Moi aussi, évidemment, jusqu’à il y a quatre mois, j’ignorais l’existence des recherches sur un vaccin pour la maladie d’Alzheimer.

En novembre 2018, après avoir été profondément déçus par la neurologie officielle qui n’avait rien à offrir qu’un médicament palliatif ou presque — deux pilules par jour et bye-bye dans six mois — nous nous sommes tournés vers d’autres thérapies. Tout d’abord un casque électrique dont les ondes, d’après le fabricant, stimulent le cerveau et, peu de temps après, l’oxygène pur connu depuis des années pour ses bienfaits neurologiques. Après quelques séances dans une cabine hyperbarique, nous nous sommes équipés d’un séparateur d’oxygène, d’un grand réservoir, d’un masque et d’une bicyclette stationnaire. Mais ces thérapies alternatives n’ont pas réussi à ralentir l’avancée de la bête.

Puis un jour, vers la fin de 2022, mon technicien d’ordinateur dont la mère souffre de la même maladie, me révéla d’un ton vaguement triomphal qu’un vaccin serait disponible avant la fin de 2023. En quelques heures d’internet, je découvris l’essentiel sur la recherche d’un vaccin pour la maladie d’Alzheimer et appris les noms des sept petites et moyennes compagnies pharmaceutiques dont la recherche d’un vaccin est en phase 2 ou 3 (voir encadré). S’ajoutent à cette liste deux hôpitaux de Boston le Brigham and Women’s Hospital et le Mass General Hospital. Après trois ans de COVID et la saga mondiale des vaccins, j’étais étonné, presque incrédule face à l’existence d’un vaccin pour la maladie d’Alzheimer, mais une fois convaincu du bien-fondé de cette recherche, ce qui m’étonna fut le silence médiatique sur les études cliniques déjà en phase avancée. En poursuivant mes lectures sur le vaccin, je m’interrogeais sur les raisons de ce silence. Tout d’abord, j’ai compris que le vaccin pour la maladie d’Alzheimer n’en est pas un comme les autres. Il est défini comme un vaccin même si cette maladie n’est pas d’origine virale, car au lieu de confier à un médicament monoclonal la tâche d’éliminer les plaques qui ont étouffé neurones et synapses, on stimule le système immunitaire pour qu’il produise des anticorps à cette fin. Dans presque toutes les neuf études cliniques, une poignée comparée aux milliers de compagnies pharmaceutiques au niveau mondial, le traitement prévoit une injection intramusculaire par mois sur une longue période qui peut aller jusqu’à un an. Autre différence avec un vaccin « classique » : dans certaines études cliniques, il est recommandé non seulement pour un emploi préventif, mais aussi thérapeutique « from moderate to severe symptoms ». J’ai vu aussi que, dans le cas de l’alzheimer, le problème scientifique et pharmacologique est de provoquer l’intervention du système immunitaire non contre un envahisseur qui vient du dehors, mais contre des composantes organiques du corps lui-même, soit les protéines Tau et Bêta-amyloïde devenues toxiques et responsables de la progressive atrophie du cerveau. Il me semble toutefois que cet obstacle sera vaincu si les études cliniques sont déjà en phase 3 dans un cas ou deux.

Vous comprenez, maintenant, l’importance de la diffusion de l’information qui concerne un vaccin. Il faut dire aux gens qu’il y a une possibilité de cure réelle qui se fonde sur le système immunitaire. Alors, pourquoi ce silence ? Peut-être parce que les grandes compagnies comme Pfizer ou Roche sont, depuis toujours, farouchement sur les traces d’un médicament et non d’un vaccin ? Voici quelques données sur un thème presque tabou ; il est presque tabou car Big Pharma l’a délaissé. On appelle Big Pharma les dix plus grandes compagnies pharmaceutiques au monde : Pfizer, AbbVie, Novartis, Johnson & Johnson, Roche, Bristol Myers, Merck & Co, Sanofi, Astra Zeneca et GlaxoSmithKline. Aucune de ces dix ne développe, au moins publiquement, un vaccin pour la maladie d’Alzheimer. Pour avoir une idée du volume des ventes de Big Pharma sachez que la seule Pfizer en 2019, donc avant la COVID, vendait pour 72,04 milliards de dollars US.

Il faut savoir que le traitement avec un vaccin, si son efficacité est prouvée, serait infiniment moins coûteux et invasif pour le patient et surtout, il aurait des chances d’éradiquer ce fléau comme cela est arrivé pour quatorze maladies que nous avons presque oubliées. Par ce lien https://www.clinicaltrialsarena.com/features/alzheimers-vaccine/, vous pouvez lire l’analyse de la comparaison entre des médicaments (anticorps monoclonaux) et le vaccin, et voir aussi la différence dans le coût de ces deux traitements. L’article révèle que, dans les vingt dernières années, Big Pharma a voulu poursuivre la recherche d’un médicament malgré une longue série d’insuccès qui ont coûté des dizaines de milliards.

Pourquoi les grandes compagnies ont-elles privilégié la recherche d’un médicament ? L’analyse de Clinical Trials Arena nous révèle que les différents médicaments monoclonaux recherchés, les Aducanumab, Gantenerumab, et les autres, auraient coûté à chaque patient entre 30 000 et 50 000 dollars par année. Par contre, selon cette même source, un vaccin coûterait seulement mille dollars par année !

La raison du choix de Big Pharma est donc aussi claire que cynique : pas la santé des gens mais le profit.

Au sujet de la nature financière de la recherche pharmacologique, cet article de la revue Nature de 2011 (https://www.nature.com/articles/475S18a.) Nous en apporte une preuve indéniable. L’article a pour objet l’échec de la tentative en 2002 de la compagnie pharmaceutique irlandaise Elan Pharmaceuticals de trouver un vaccin. Malgré cet insuccès, la voie était ouverte et la recherche aurait dû être reprise par les grandes et puissantes compagnies, capables, avec leurs vastes ressources, de mener à bonne fin la chasse au vaccin dans un délai de quelques années… cinq ou six. Mais non, comme dans n’importe quel autre investissement, ce qui a déterminé leur choix a été le retour économique, le profit. Il y a quelques dizaines d’années, une décision aussi cynique dans le secteur de la santé aurait été inimaginable. Le virage vers le néolibéralisme, où tout, vraiment tout est devenu marchandise, a débuté dans les années 1980 avec Margaret Thatcher et Ronald Reagan ; quarante ans plus tard, le néolibéralisme a accouché de ce qu’on appelle justement le turbocapitalisme, ou capitalisme sauvage.

Hélas, il faut regarder en arrière pour apercevoir du progrès : en 1955, le docteur Jonas Salk, qui a mis à point le vaccin pour la pandémie de polio qui causa tant de souffrance et de morts à travers la planète, avait bien compris que les efforts pour éliminer ce fléau qui touchait les enfants ne pouvaient avoir du succès que si le coût de la vaccination était très bas, voire nul. Six compagnies pharmaceutiques furent chargées de produire le vaccin et Salk ne profita pas de sa concession. Dans une entrevue, à un journaliste lui demandant qui possédait le brevet du vaccin pour la polio, il répondit « Les gens, je crois bien. Il n’y a pas de brevet. Peut-on breveter le soleil ? ». Trente ans plus tard, dans la décennie 1980, il était déjà tard pour qu’un scientifique puisse donner ce type de réponse.

Mais alors, dans ce contexte de plus en plus dominé par le profit sauvage, que font les associations nationales et internationales nommées d’après le docteur Alois Alzheimer ? Essaient-elles de s’opposer aux choix de Big Pharma ? Non, elles sont en totale harmonie avec les pourvoyeurs de financement et d’appui scientifique que sont les grandes compagnies milliardaires. Ces associations offrent bien du soutien, disons, technique. Elles sont des compagnies à but non lucratif se consacrant à la maladie d’Alzheimer. Elles sont très actives surtout dans la promotion de leur mission, de leurs projets d’assistance aux malades, à leurs familles, aux proches aidants. Mais Big Pharma réussit à contrôler leur liberté d’action et de pensée déjà dans l’œuf : son très long bras arrive dans les universités avec des donations et des bourses aux étudiants finissants des facultés scientifiques. C’est comme ça aussi que Big Pharma assure son contrôle sur la recherche. Ce n’est pas que les associations d’assistance n’offrent absolument pas d’aide, non : elles organisent un soutien, mais c’est une activité surtout théâtrale dont résulte un réseau mondial d’échanges économiques où sont engagés des millions de personnes œuvrant dans des milliers d’organismes, une réalité économique complexe ayant comme effet de retarder plutôt que de stimuler la recherche d’une solution définitive de la maladie.

Finalement, fait remarquable et symptomatique, dans la littérature promotionnelle et d’information que ces associations produisent, physiquement et en ligne — rapports de congrès, rencontres, séminaires, webinaires, jusqu’aux dépliants — il n’est jamais question de la recherche d’un vaccin. C’est bien le choix de Big Pharma.

Un ultime signal pour vous, lectrices et lecteurs, sur la liaison dangereuse entre médecine et entreprise pharmaceutique, vous le trouverez dans ce vieil article de 2009, rigoureux et documenté, au titre très explicite Drug Companies & Doctors: A Story of Corruption par Marcia Angell.

https://www.nybooks.com/articles/2009/01/15/drug-companies-doctorsa-story-of-corruption/.

Il faut interpréter la dynamique sociale et économique dans le camp de la santé et rompre le silence des médias sur le vaccin qui pourrait éradiquer la maladie d’Alzheimer.

Lamberto Tassinari*

*Auteur montréalais, il a été co-fondateur du magazine transculturel Vice Versa (1983-1997), il a publié en France l’essai John Florio alias Shakespeare, Le Bord de l’eau, 2016.

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