La langue quechua à la croisée des chemins

24 novembre 2007

Le contexte politique a souvent une influence sur l’évolution, le développement et parfois la mort d’une langue.

Le changement politique en Bolivie représenté par l’élection d’Evo Morales Ayma à la présidence du pays andin, a eu un poids important par rapport à la dynamique sociolinguistique bolivienne. En effet, au niveau gouvernemental, autour du MAS, le mouvement au socialisme d’Evo Morales, est en train de se consolider un processus dont le but est de protéger et développer les langues indigènes de Bolivie.

Signe de ces nouveaux temps politiques, au mois de mars dernier, le Centre Simón I. Patiño, la fondation qui prend le nom du fameux « baron » de l’étain bolivien a ouvert pour la première fois les portes d’une de ses sièges, la belle villa coloniale de la ville de Cochabamba, à la section bolivienne de l’Académie de la langue quechua. Pendant une journée d’études, les académiciens de la langue ont analysé la situation sociolinguistique dans laquelle se trouve aujourd’hui la langue officielle de l’ancien « Collasuyu », « le quart » du territoire de l’empire des Incas que maintenant se trouve à l’intérieur les frontières de l’état bolivien.

Le cadre sociolinguistique qui a résulté de l’analyse des membres de l’Académie est complexe. D’abord, le quechua tire bénéfice d’un incontestable prestige historique pour avoir été jadis la langue officielle de l’empire des Inca. Il s’agit également d’une langue marqué par une vitalité continentale : le quechua est parlé aujourd’hui non seulement en tant que langue maternelle en Bolivie par 3 millions de personnes, dont 35% sont les des locuteurs unilingues, mais cette langue est pratiqué également sur un immense territoire tout le long de l’arc andin du sud de la Colombie jusqu’au centre du Chili, en passant par le nord-ouest argentin. Malgré ces points de force, il est évident que pendant 5 siècles l’histoire de la langue quechua en Bolivie a souffert de la discrimination en contre des nations indigènes du haut plateau bolivien.

« José Antonio Rocha Torrico »http://www.ucbcba.edu.bo/institut/c…, président de la section bolivienne de l’Académie de la langue de Quechua (une organisation qui a pour des raisons historiques évidentes son siège principal à Cuzco, Pérou) a expliqué que le quechua se trouve dans une nouvelle phase de son histoire : « Jusqu’ici, nous étions pris dans un combat pour démontrer le valeur de notre identité et de notre culture indigène, maintenant nous pouvons enfin explorer les vraies possibilités de développement de notre langue ».

Au niveau linguistique, selon le président de la section bolivienne de l’académie, « le plus important défi de cette phase du développement de la langue est la lexicographie, et de savoir principalement comment transcrire le système phonétique du quechua d’une forme unitaire ». Il n’est pas facile de trouver un consensus sur le lexique et la transcription phonétique d’une langue comme le quechua qui par ailleurs n’a pas eu d’écriture. Quand il s’agit en plus d’une langue parlée dans différentes variétés dans tant de pays différents, les choses se compliquent ultérieurement. Il existe en plus un argument historique et politique qui se révèle par le biais d’une tendance au purisme linguistique qui cherche à reproduire dans l’actualité l’originalité de la langue des Inca, au moment de son maximum splendeur avant l’arrivée des Espagnols. Cet argument se traduit par vouloir « normaliser » ou « standardiser » la langue quechua des années 1500. Une langue qui n’existe plus chez les locuteurs contemporains, puisque ces derniers parlent une langue quechua qui est le fruit de cinq siècles de contacts linguistiques avec le Castillan. Le résultat est qu’aujourd’hui le quechua s’écrit d’une façon mais il est parlé d’une autre…

Afin de dépasser cette contradiction l’INSLECO, l’Institut des langues et les cultures autochtones de la Bolivie, un centre du formation technique des autorités de l’éducation de la Bolivie intégré et conseillé par le personnel l’Académie de la langue de Quechua, a lancé un programme de formation de « cadres techniciens supérieurs dans les langues et des cultures aborigènes de la Bolivie ». Il s’agit d’un programme d’études de 6 semestres qui devrait aboutir à un diplôme supérieur en « cultures les langues autochtones », non seulement centré sur le quechua, mais également sur l’aymara et sur le guaraní. Le projet qui devrait débouter ces jours ci avec le commencement du deuxième semestre du cours universitaire en Bolivie, vise à au recrutement de entre 80 et 120 étudiants qui devraient étudier le programme de « techniciens supérieurs dans les langues et des cultures autochtones », et aspire également à diplômer annuellement jusqu’à 40 « techniciens ». Il s’agit d’un profil professionnel dont l’objet principal est de soutenir, faciliter et orienter les processus d’éducation des langues autochtones et à participer aux processus de promotion des événements culturels et de recherche sociale. Mais ce programme de l’INSLECO a également pour but de former une nouvelle génération de locuteurs alphabétisés par le quechua qui soient capables de contribuer au débat sur la normalisation de la langue autochtone plus pratiquée de l’hémisphère occidental.

Robert Scarcia Journaliste

P.S. Cet article a également paru dans la revue du Conseil Provincial de Gipuzkoa · Direction de la langue basque

 

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