Festival de San Sebastian : Les Russes d’hier et d’aujourd’hui et la dystopie coréenne

Commençons cette chronique par deux films russes, le premier Serdze Mira, “Le cœur du monde”, œuvre première de Natalia Meshchanininova et le second Leto, “L‘été”, réalisé par Kiril Serebrennikov, qui a déjà connu une reconnaissance à Cannes. Serdze Mira est l’histoire d’un jeune vétérinaire travaillant dans un élevage qui entraîne les chiens à la chasse au renard. “Mais c’est uniquement l’histoire d’un homme, affirme péremptoirement la réalisatrice, qui cherche un foyer parce que sans foyer, personne ne peut vivre ». Pourquoi Meshchianinova veut-elle réduire son film à une histoire individuelle pourtant plein de résonances sociales actuelles ? Il y a pourtant une grande actualité dans son œuvre par exemple dans le conflit entre l’ancien monde de la chasse et les mouvements écologistes. Un épisode l’illustre éloquemment : un commando d’écolos « libère » les renards de l’élevage dans la forêt , sans savoir que ces renards sont désormais  domestiqués et donc incapable de survivre en liberté. Résultat : les renards libérés sont massacrés par les chiens errants. La réalisatrice a-t-elle trop timide et intimiste ?

 Leto, “L’été”, raconte l’histoire d’un groupe rock russe au début des années 80, alors que Saint-Pétersbourg s’appelait encore Leningrad. Au-delà de la musique du groupe inspiré par Led Zeppelin et David Bowie, ce film en noir et blanc peut être pour confirmer visuellement les stéréotypes concernant le « retard » technologique de l’Union soviétique – – a un autre mérite : il permet de comprendre de manière originale l’une des causes de l’effondrement d’une superpuissance. Ces jeunes musiciens, à l’image d’une société civile naïve à cause de leur impossibilité de voyager, ont réinterprété par le biais de leur “fonds surréaliste” russe, la musique anglo-américaine comme le parangon de l’émancipation. A cela s’ajoute la crise, la perte de références, le ras-le-bol d’un système. Ce que Leto confirme est que le « différent » (culturel, linguistique, musical) doit être assumé en tant que tel en ne faisant pas l’impasse sur « différend », que cela implique sinon c’est de la colonisation culturelle pure et simple. La Russie des années 80 ne l’a pas compris, et on connaît la suite. 

Ilang,La brigade du loup”, est l’adaptation coréenne d’un film d’animation japonais des années 50, Jin-Roh. Réalisé par Kim Jee-woon, le film nous projette dans une Corée imaginaire de l’an 2029. Le pays est réunifié, et l’arrivée d’une nouvelle puissance en Asie provoque une improbable coalition d’adversaires : Japon et Etats-Unis, Russie et Chine, tous unis pour faire échouer le nouveau pays réunifié. A l’intérieur de cette Corée réunifiée surgit, tiens, tiens!, un groupe terroriste opposé à la réunification. Pour le combattre, le gouvernement crée une unité d’élite : Ilang, « la Brigade du Loup ». On pourrait penser à un film patriotique avec les bons flics et les terroristes méchants. Il n’en est rien. Il n’y a pas des personnages positifs dans ce film débordant d’une violence toute « asiatique », où aux arts martiaux se mêlent fusillades et tortures. Tout dégénère dans une guerre civile non déclarée de tous contre tous. Une prophétie apocalyptique pour notre époque de chaos, Ilang? “Prophétie, je « ne sait pas », ponds le réalisateur « mais par contre, une vraie dystopie »,le passage à un nouveau paradigme », représenté symboliquement par une Corée réunifié, est marqué par le conflit dystopique » . Et nous voilà servis ! L’hululement   du loup, serait la prophétie de notre futur ?

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