Un Euro-Islam est-il possible ?

 

L’Islam est-il compatible avec l’Europe et ses valeurs ? Un bref rappel historique s’impose. Billet.

Qu’en est-il de la liberté, de l’égalité, de la fraternité pour les musulmans dans le pays des Droits de l’homme, de la République supposée bâtie sur un précepte de la liberté de culte ?

Mardi 22 décembre 2004, je marche avec ma fille rue de la Jonquière dans le dix-septième arrondissement de Paris, lorsque je vois des adolescents un peu bronzés, alignés les mains au mur. Un militaire les tient en respect avec sa mitraillette pointée vers le bas. Deux autres, gilets pare-balles et tenues de combat, les questionnent à bonne distance. Je m’arrête pour observer ; finalement ils sont relâchés un à un : on n’a rien à leur reprocher. Simple formalité. Ce comportement, un brin parano, dans une société dite « libre », en dit long sur nos peurs et nos petites lâchetés quotidiennes. Craignons-nous à ce point ces enfants de l’Islam pour ne pas les reconnaître pour ce qu’ils sont et leur prêter nos peurs ? Peur d’une Intifada potentielle sur un macadam plutôt lisse ?

Qui s’élève aujourd’hui contre cette ségrégation au faciès, ce racisme banalisé qui s’affiche au vu et au su de tous avec arrogance et mépris ? Avant de parler d’un possible Islam, parlons déjà de l’existant.

Une autre manifestation de cette ségrégation de fait m’a été rapportée par ma propre fille. Habitant en France depuis un an seulement, elle s’est trouvée d’emblée « classée » comme arabe dans son école qui, comme bien d’autres, est divisée en deux groupes. Personne ne lui avait demandé son avis.

L’Occident a peur de son Islam pour l’avoir ignoré depuis tant d’années. L’émergence de l’extrémisme le panique au point d’opérer dans sa conscience de dangereux glissements de sens : brusquement le musulman devient islamiste.

En France même a-t-on oublié que l’influence arabe a façonné des siècles durant le tissus démographique, affectant nombre de patronymes ? En effet combien parmi les Moreau, Morin, Morel ou Maurras (le bien nommé) savent qu’à l’origine de leur généalogie, il y avait sans doute… un Maure ! Ouf, nous l’avons échappé belle ! Tout est sous contrôle. Et si cela s’est déjà produit et apparemment l’intégration s’est bien faite, cela veut dire que c’est encore faisable.

Mais le métissage biologique n’est qu’une facette de sa contribution au devenir de l’Europe. La science sans laquelle celle-ci n’aurait jamais pu effectuer sa révolution industrielle, trouve également ses sources dans la grande traditions des Lumières arabes. Rien que ça, que de l’infidèle et chacun a son infidèle.

Et que dire du lexique. Le démon se transforme en génie chaque fois que vous dites « magasin », « troubadour » ou « mesquin », entre autres – c’est ce que l’Islam a subrepticement inscrit dans le gaulois à l’insu des uns et des autres. Le grec n’est parvenu à l’occident que cinq siècles après les pays musulmans et c’est en Andalousie que les Européens sont allés chercher la connaissance. Quand ces barbares de Francs se sont rués avec une sauvagerie inouïe sur la route du tombeau du Christ, les musulmans ont pris des raclées consécutives parce qu’ils avaient perdu l’habitude de faire la guerre, accaparés par la réalisation d’édifices sur l’harmonie musicale ou à partir d’un manche de luth. Fameux instrument qui trouva tout de suite preneur chez les troubadours. Par ailleurs, ce mot « troubadour » vient de « tarab » qui veut dire « orchestre » en langage d’infidèle. Dans la plus vieille faculté de médecine de France, jusqu’au XVIIIe siècle, c’était encore un musulman qui enseignait la chirurgie plusieurs siècles après la mort du fameux Ibnou Sina ou Avicennes pour l’Occident.

Je ne rentrerai pas dans le détail, point n’est là mon propos. Ceux que vous appelez des Arabes ne le sont pas, mais ce sont vos voisins, vos coreligionnaires. Voilà plus d’un siècle que nous nous sommes remis à fricoter ensemble, après une couple de siècles de boudin et de conflits de toutes sortes. Ce fut dur certes, pour mon père, puisqu’il se cachait pour prier. Dans son ignorance et son analphabétisme, cette génération avait peur de tout, du régime colonial impitoyable ou de la dictature qu’ils fuyaient, ou du patron qui les tenait.

L’Islam comme une religion de primates, je revoyais mes petits camarades de l’école Jules Ferry de Cagnes sur Mer raillant la prière et la prononçant mal. En fait,ils n’avaient jamais écouté. Religion d’infra égale mépris – voilà ce que le body language renvoie.

M. Sarkosy, le futur présidentiable, a dit à l’Assemblée nationale que si « la Turquie était européenne, ça se saurait. » Ce genre de remarque est pathétique, aller donc voir, Monsieur, du côté de l’Autriche, de l’ex-Yougoslavie et jusqu’aux frontières allemandes, vous retrouverez les preuves qui manquent à votre ignorance.

Si ce débat a un intérêt, c’est de remettre en cause autant l’Europe que l’Islam. Si j’étais politicien, je chercherais plutôt à mieux le connaître. Et je voudrais de la Turquie parce qu’elle m’assurerait un lien, une entrée vers ce monde musulman, une chance inouïe de dialogue. L’Euro-Islam aurait ainsi une réalité plus concrète aujourd’hui.

Il est étonnant de découvrir que l’Islam est un nouveau venu. Comme si on pouvait filtrer le passé, comme si on avait un contrôle sur ces choses. Si je suis là pour l’ouvrir aussi aisément dans la langue de Molière, c’est que je suis chez moi, à la maison et que beaucoup de choses se sont passées sans qu’on y prête garde.

Jusqu’au dernier numéro double du Point (n°1684-1685) où dans un dossier sur le Moyen-Âge on parle de Sarrasins venus d’Espagne ou encore on y évoque Montpellier, son université et sa fac de médecine instruits par les sciences des arabes sans y faire la moindre allusion. Les chromosomes sarrasins dans les gênes d’une famille noble bourguignonne ou une mosquée construite à Narbonne, tout cela n’est qu’un rêve. Aux dernières nouvelles j’ai offert ce que les colons ont appelé une « main de fatima » mais qui est en fait une quinte en référence à la Loi du Nombre, une main protectrice à ma fille, comme elle est un peu visible, cela est considéré comme un signe ostentatoire de religiosité, donc elle ne la portera pas !

Bientôt toute personne qui aura un clou dans la figure, une boucle à l’oreille ou un tatouage sera suspectée de prosélytisme et de menace à la chrétienté étatisée.

Et pourtant il suffirait de lire.

 

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