Quand la guerre d’Irak devient un genre cinématographique

La bataille d’Irak

On dit souvent que la culture populaire américaine est fascinée par la guerre. Les Westerns et les films sur le Vietnam sembleraient confirmer ce qui est devenu un genre cinématographique en soi. Le Festival International du Cinéma de Saint-Sébastien ne déroge pas à cette règle nouvelle mais cette fois c’est la guerre d’Irak qui est le protagoniste ou toile de fond de ce genre de film. Les deux films que nous présentons ont comme dénominateur commun les dégâts faits par la violence de la guerre sur les personnes et les sociétés.

L’un et l’autre s’appuient sur des faits réels. Le premier est « la bataille de Haditha » du britannique Nick Broomfield. Il est tourné comme un documentaire. Le 19 de novembre de 2005, assoiffés de vengeance pour la perte d`un des leurs, un peloton de Marines se venge assassinant 24 personnes dans la ville de Haditha. Les soldats, tous très jeunes, apparaissent comme un mélange de barbares violents et sanguinaires et des victimes de l`incompétence de leurs supérieurs civils et militaires qui les ont envoyés dans un tel enfer. Broomfield a réalisé ce documentaire-fiction après avoir interviewé des Marines qui ont effectivement participé au massacre qui a été baptisé « le My Lai » iraquien. Le film réussit à atteindre un double objectif : d`une part la dénonciation de la guerre et de l’autre l’explication politique du fiasco américain en Irak. Le message politique de Broomfield est clair : à cause de leur incompétence et de leur manque de préparation culturelle, les Américains ont permis aux insurgés de rallier la population iraquienne de leur coté. Le vieux schéma de la guérilla : attaquer pour provoquer des réactions de violence démesurée a abouti avec une funeste efficacité à Haditha. Cette ville est une métaphore pour l’Irak entier. Les images sont crues et réalistes, typiques d’un mélange d’une docu-fiction sur la guerre et le documentaire.

« Dans la vallée d`Elah », un film hors compétition, découle aussi de faits réels. Dirigé par Paul Haggis, ce film déploie les talents d’acteurs chevronnés tels Tommy Lee Jones et Susan Sarandon. Derrière l`histoire d`un père, interprété par Lee Jones, ancien militaire qui cherche les raisons de l`assassinat de son fils au retour d`Irak, il y a une forte critique de la culture et de la société américaine qui est en train de devenir le contraire de ce qu’elle prétend être. « On ne tue pas un homme avec qui tu as partagé le combat contre l`ennemi » disait le père vétéran du Vietnam lorsqu’il cherchait les raisons et les coupables du crime contre son fils. Il se trompait. On découvrira, partageant le même horreur du père, que les assassins du jeune militaire sont ses mêmes compagnons d`armes… Quelque chose de profond a changé dans la « culture » de ses soldats, quelque chose qui devrait faire penser l’Amérique. Jusqu’à la fin le message du film reste ouvert à des interprétations mais tout bascule dans les ultimes minutes du film. La scène finale est éloquente dans le silence des gestes le protagoniste hisse le drapeau étoilée à l`envers…un symbole qui veut dire le désastre, à savoir que tout est à l’envers de ce que justice et morale exigent. Il est impossible de ne pas y voir un clin d’œil à l’ American Indian Mouvement, mouvement d’émancipation des Indiens des réserves des années 70, et férocement réprimé. Ce mouvement avait lancé le drapeau américain à l`envers pour dénoncer la dégénérescence sociale et morale du pays à l’égard de leurs communautés. Dans la description du marasme violent et hypocrite du documentaire de Broomfield, les Etats-Unis perdent et la politique en plus de la bataille morale, dans le film de Haggis, ils perdent leur âme.

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