Festival de cinéma San Sebastian : Le royaume sans vertu, l’amour sans pensées et le dernier des Mohicans castristes

Ricardo Darin

Si les Italiens avaient pu produire un film sur « Tangentopoli« , celui-ci aurait été la version italienne de El Reino, “le Royaume” réalisé par l’espagnol Rodrigo Sorogoyen. Il s’agit donc, d’une fiction prenant appui sur une réalité ô combien d’actualité, hélas : la corruption politique et ses complicités médiatiques. Le film ne donne aucun nom… mais tout un chacun d’où qu’il soit pourra reconnaître ses propres acteurs dans le turpitudes de ce mariage détonant de l’argent et du pouvoir. « Le film se penche sur le monde qui peuple les appareils politiques à notre époque » a expliqué Sorogoyen, « ce qu’ils se disent entre eux, comment il se crachent à la figure après (ou avant) s’être faits la bise ». Dommage, que ce Royaume qui n’est pas seulement espagnol tant s’en faut n’ait pas obtenu de prix. La seule faiblesse du film est de se transformer brusquement en film d’action au moment où le cadre de parti corrompu, entend dénoncer ses collègues et qu’il arrive à éliminer un sicaire qui veut le tuer. Il est fort improbable qu’un cadre politique puisse buter un barbouze. Cette pirouette décrédibilise le film qui était pourtant bien parti. N’est pas Samson qui veut

Venons à une comédie argentine légère, sympa mais teintée de tristesse. El amor menos pensado, (L’amour moins réfléchi), réalisé par Juan Vera, ayant comme protagonistes deux acteurs de renom outre-Atlantique comme Ricardo Darin et Mercedes Moran. Après 25 ans de mariage, au moment où leur fils part de la maison, une coupe décide de se séparer, sans trop bien savoir pourquoi. Le film suit leurs aventures jusqu’au moment où fatigués de « mariposear« , c’est-à-dire de « papillonner » de fleur en fleur… Ils décident de reprendre leur relation de couple.

« Toute personne ayant fait l’expérience d’une relation de couple au-delà de cinq ans, sait de quoi parle le film », a affirmé sans mâcher pas ses mots, son réalisateur”. Même si ajouterais-je, personne n’ose le dire ouvertement. En réalité ce film est le miroir d’une génération, celle de votre serviteur : les quinquagénaires ayant une longue expérience de la vie de couple, marqué par les années passées ensemble, la présence et le départ d’enfants. Mais ce que ce miroir reflète, est l’image d’une génération qui cherche dans des aventures érotiques à remplir un vide d’une société consumériste et dépolitisée où tout projet collectif et passionnel brille par son absence. Ce qui explique sans doute cette tristesse légère qui enveloppe ce film et dont l’incipit du film qui commence par une citation de Moby Dick de Herman Melville, nous donne une clef. Car aucune aventure galante ne saurait ne saurait nous distraire de ce “novembre humide et pluvieux dans l’âme », à moins de partir à son tour à la chasse à la baleine blanche.

Terminons cette chronique avec « Para la guerra« , œuvre première de l’argentin Francisco Marise qui nous présente la via quotidienne d’un soldat des campagnes « internationalistes » de Fidel Castro. Andrés Rodriguez, vétéran des guerres d’Angola et du Nicaragua, protagoniste du film et incarnation vivante de cette épopée castriste. Un film sur la guerre sans champs de bataille ou tir de fusil. Un œuvre qui explore la mémoire du combattant à partir de l’observation du corps. Ce guerrier castriste raconte son dévouement à la révolution cubaine et nous montre comme un enfant en train de jouer à la guerre les exercices tactiques faits d’arts martiaux ou de marches dans des champs de mines. Il nous dit préférer la fusillade au silence « parce que dans les tirs on sait où se trouve l’ennemi, dans le silence non ». Malgré la déroute de son camp socialiste, comme le dernier des Mohicans, ce fidèle d ela première heure, nous explique qu’atteindre la paix de l’âme est plus grand encore par la douleur, plutôt que par le confort et la complaisance.

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