FIPA: « La Grammaire du Bonheur » ?

Venons au dernier prix qui nous intéresse de façon particulière puisqu’il nous permet d’entrevoir les goûts, les passions et les intérêts des nouvelles générations. Le Festival International des Programmes Audiovisuels est engagé à l’éducation de l’image auprès des jeunes. En coopération avec les écoles soutenues par la région Aquitaine,  le festival développe des initiatives pour stimuler un travail de réflexion  sur ce thème. Dans ce contexte le FIPA propose à des lycéens parlant français, issus des quatre coins de l’Union Européenne de participer au jury des jeunes Européens pour remettre un prix à une œuvre choisie dans la section des Grands Reportages.

Cette année le jury des jeunes a attribué le prix à « The Grammar of Happiness », (la Grammaire du bonheur)  des australiens Randall Wood et Michael O’Neill. Le film raconte l’histoire de Daniel Everett, ancien missionnaire devenu linguiste et sa rencontre avec les Pirahã, une population indigène au cœur de l’Amazonie, dont il est le seul à parler la langue.

Pas étonnant que ce film ait pu « ensorceler » les jeunes :   le terme est fort à propos . En effet  les images du voyage dans ces territoires magiques, l’histoire de ces  êtres humains vivant  au  contact avec la nature, le récit de ce missionnaire qui finit  par se faire convertir par les indigènes, bref  tous les ingrédients pour faire un beau film  et qui  de surcroît parle aux jeunes sont réunis. Ceci dit, « la Grammaire du bonheur » est aussi une tribune pour la théorie linguistique de Daniel Everett. L’ancien missionnaire soutient que la langue pirahã qui ne connaît pas les couleurs, les nombres, le présent ou le passé, est une langue « sans récursivité »,  soit la procédé linguistique qui permet à un locuteur de construire des phrases à l’infini. Cette affirmation  s’oppose  frontalement à la conception défendue  par l’illustre linguiste Noam Chomsky selon laquelle la récursivité est le trait fondamental qui différencie le langage humain de la communication animale.

Contre Chomsky

Il ne s’agit pas ici, vous l’aurez compris,  de prendre position à faveur de l’une ou l’autre thèse.  En effet la  position chomskyenne insiste sur le composant génétique dans la capacité des humains de communiquer sous  forme d’une  langue,  la théorie d’Everett, elle, compare la langue pirahã à un jeu d’échecs avec un nombre fini de mouvements  limités également par des contraintes culturelles. Toutefois il est permis de souligner que le  film  attaque les thèse du  célèbre linguiste  américains avec des arguments qui  rélèvent d’un certain  crypto-autoritarisme. Personne n’est dupe, Noam Chomsky n’est pas seulement un linguiste, mais surtout un intellectuel public engagé à fond pour la justice dans le monde.

Manipulations ?

A la sortie de la projection de La Grammaire du bonheur,  un doute  m’est venu que je souhaite partager avec vous ;  et si ce film n’était en fait  qu’une opération  subtile, comme dans une partie de billard  à double bande  qui consiste  à attaquer la théorie linguistique de Chomsky pour mieux discréditer son engagement politique.  Sans tomber  dans la paranoïa, il convient de se méfier de ce  films trop beau pour honnête et  qui s’en l’air d’y toucher, sème   le doute  sans véritable argument contre l’un des plus  redoutable  adversaire de l’ultralibéralisme. Hélas, les jeunes  du jury n’y ont vu que  du feu !

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