L’amour a-t-il un genre?

MICHEL MESSU

Le masculin/féminin, la compréhension de leur nature biologico-sociale, la manière de dire l’un et l’autre… bref, le sens anthropologique du dimorphisme sexuel -ce qu’aujourd’hui on appelle le « genre » (gender)- fait l’objet d’une production littéraire et cinématographique soutenue. Les sciences sociales ne sont d’ailleurs pas en reste quand historiens, sociologues, anthropologues, ethnologues et autres multiplient les études et théorisations afin de fournir des principes d’analyse autrement fondés que les vieux préceptes éthico-religieux des traités de savoir-vivre.

Quoique poursuivant parfois les mêmes fins sociales que les sciences idoines, la production littéraire et cinématographique n’arrive pas toujours à consacrer sa rupture avec le fond éthico-religieux. Cela, même lorsqu’elle se propose d’en ruiner la pertinence ou d’en condamner les effets psychologiques et moraux subis tant par les individus que vécus collectivement – notamment par les femmes.

La littérature fourmille de textes qui sous couvert de témoignages, de fictions biographiques ou de constructions romanesques entendent livrer les ressorts d’une sexualité et d’une affectivité proprement féminine. My secret life, vue de l’autre point de vue. Que ce soit Baise-moi de Virginie Despentes, La vie sexuelle de Catherine M. de Catherine Millet, J’ai joui de Sarah, et bien d’autres, tous sont des textes qui entendent retracer une sorte de voyage intérieur de la jeune femme qui se découvre et qui, se découvrant, bouleverse l’ordre du monde. Au point de pouvoir proclamer, à l’instar de Sarah, « maintenant que je suis moi-même, que les hommes ne m’impressionnent plus, que je n’attends plus des garçons qu’ils me renvoient une image valorisante de moi, j’avancerai tranquille et forte dans la vie, la mienne et celle des autres. » En somme, un parcours tout à la fois initiatique, révélateur et émancipateur. En tout cas, et pour le moins, du côté de l’héroïne et de celles et ceux qui accepteront de la suivre. Mais aussi, et pour chacun, un parcours qui offre un nouveau monde à découvrir, à contempler et sûrement à comprendre différemment.

Le film de Catherine Breillat, Romance, s’engage lui aussi dans cette voie. Il se donne à voir comme une nouvelle version introjetée de ce thème social et sociologique de la singularité de l’expérience amoureuse et érotique féminine. Plus précisément encore, il entend explorer une sorte de féminin singulier sous la forme d’un discours indigène sur la sexualité spécifiquement féminine. En d’autres termes, au-delà des clichés masculins dominants, et partant éculés, l’œuvre cinématographique de Catherine Breillat se propose, lui aussi, de nous entretenir substantiellement, et à la première personne, du rapport que la femme, toute femme donc, entretient ou est susceptible d’entretenir avec sa propre sexualité.

La critique cinématographique ne s’y est pas trompée quand, dans une trop prévisible dialectique du pour et du contre, elle loue ou condamne l’audace de la femme crue. Celle qui entend faire révélation du substrat féminin de la sexualité féminine et qu’on est porté à croire versus l’impudente qui sans pudeur putassie la femme, d’aucuns auraient même pu dire l’éternel féminin. Révélation et témoignage d’un côté, scandale et dérision de l’autre. Tous les ingrédients d’une polémique somme toute bien superficielle eu égard à ce que livre finalement à la compréhension le film incriminé.

Ce qui se trouve en jeu dans le film de Catherine Breillat et qui, ce faisant, vient faire problème, est moins la singularité de la sexualité féminine, le vécu spécifique de cette sexualité, ou encore l’identité sexuelle de la femme – qu’importe d’ailleurs la désignation – que la valeur ou la charge explicative conférée à cette sexualité. Pour le dire dans un langage sociologiquement plus convenu, quid de la puissance conceptuelle du genre (gender) dans cette romance ?

Nous chercherons, ici, à établir que loin de fournir de quelque manière que ce soit un fondement théorique à l’opérativité du genre (gender) dans la compréhension des comportements sexuels des individus – en l’occurrence ceux d’une jeune femme et, accessoirement, de trois hommes -, le film réactive sur différents plans une vision stéréotypée certes, mais surtout profondément ancrée dans les archétypes sociaux et moraux de nos sociétés. Ceux qui puisent et dans la mythologie philosophique platonicienne et dans les préceptes moraux judéo-chrétiens les fondements des dualismes métaphysico-comportementalistes de la séparation du corps et de l’âme dont ils se nourrissent.

En première analyse le film de Catherine Breillat narre les déconvenues et, conséquemment, les découvertes, d’aucuns diraient les dérives, sexuelles, affectives et sentimentales d’une jeune femme qui aspire à s’épanouir pleinement en toutes ces dimensions de la vie personnelle. En un sens, une jeune femme ordinaire dont l’auteur – l’auteur(e) ? – nous fait suivre le cheminement réactif et réflexif qui la mène, de déception en dépit, au défi puis au déni. Le récit, en quelques grands tableaux alimentés de diverses séquences dont certaines doublées d’une voix off, nous livre la maturation d’un désir féminin frustré vers sa réalisation néantisation. Trois hommes donc balisent ce parcours. Paul, pédant mannequin qui cultive sadiquement une impuissance sexuelle et un art consommé de la parade amoureuse dans les boîtes branchées du côté de la Bastille. Paolo, éphémère mâle de substitution. Robert, paternel initiateur aux pratiques « SM » et émouvant accompagnateur de la maternité salvatrice de l’héroïne. De Paul, superbe matador de pacotille des premières images, à feu Paul, des dernières, se joue l’élaboration d’une théorie empirique et spéculative du désir sexuel féminin et de sa satisfaction. Satisfaction à laquelle contribuent, chacun dans son registre, les deux autres hommes. Les situations dans lesquelles se trouve placée Marie, l’héroïne, suggèrent en effet que ce sont les contingences de sa vie érotico-amoureuse qui provoquent en elle la quête d’expériences nouvelles et leur rationalisation via l’adoption d’une philosophie de la séparation de l’âme et du corps amoureux. Au point d’ailleurs de renouer, in fine, avec une des plus anciennes allégories de l’accomplissement du destin électif de la femme, celle de la maternité. Fut-elle, comme ici, duplicative et désaffiliée. Sur fond de culture chrétienne, on n’est pas Marie pour rien. L’expérience mariale, vue par Catherine Breillat, élargit cependant la palette des couleurs léguée par la tradition chrétienne.

En seconde analyse, en effet, et sur le plan symbolique, Romance admet différentes périodes coloristes. On passe d’une période blanche à une période rouge, puis à une période noire. Pour le dire autrement, on glisse d’une accroche virginale, car tout est blanc chez Marie, de sa vêture au sweet home qu’elle partage avec son Paul, on glisse donc d’abord vers les éblouissements rhétoriques et orgasmiques des « perversions ». Qu’elles soient seulement extra-conjugales ou savoureusement masochistes, dans tous les cas vient chatoyer le rouge de l’habit dont on affuble ordinairement Lucifer. Puis on glisse, après la rédemption temporaire d’une nativité, vers une figure du deuil, fataliste peut-être, en tout cas recueilli et apaisé quoique à la manière d’un tableau à la Luis Buñuel. En somme, on glisse de la Vierge Marie à la Maria dolorosa en passant par une Marie couche-toi là. La symbolique des couleurs est explicite et jamais démentie par la lettre de la rhétorique breillatienne.

Ladite rhétorique, toute la critique l’a noté, est plus que présente, elle est, par sa puissance même, envahissante et se veut édifiante. Elle propulse le film dans l’au-delà des narrations au premier degré, singulières et exemplaires. Grâce à cet étayage langagier une démonstration sociologique peut être soutenue. C’est d’ailleurs ici que la polémique s’est le plus souvent installée, mais, disons-le d’emblée, de manière superficielle, convenue et seulement inscrite dans des enjeux de type idéologique, de croyance sociale ou de conviction personnelle. Il ne semble pas, en effet, qu’il faille limiter la signification des scènes que nous propose Catherine Breillat, leur progression dramatique et leur sur-réalisme à la simple confrontation de la différence anthropologique entre l’homme et la femme. Ni même à la reconnaissance ou à l’expression d’un point de vue féminin méconnu, socialement refoulé et disqualifié. Encore moins à la seule énonciation d’une spécificité de la sexualité féminine. L’enjeu intellectuel ne relève pas de la polémique sexiste, il est proprement conceptuel puisque l’auteur nous instille au fil de sa Romance une conception de l’amour somme toute bien connue.

Cherchons à l’établir en reprenant les arguments filmiques développés par Catherine Breillat.

Qu’il y ait un discours féminin à construire sur la sexualité féminine pour dire combien celle-ci est différente de la sexualité masculine, pour affirmer que son caractère spécifique a besoin d’être reconnu à l’encontre des visions machistes séculaires, pour faire reconnaître que sur bien des points – peut-être même fondamentaux d’un point de vue masculin – il puisse y avoir de sensibles écarts de valence, etc., c’est là ce qui, en premier lieu, se trouve développé dans le film. C’est même là la fonction première de la logorrhéique voix off qui assène sur un mode que certains critiques ont perçu comme provocateur, d’autres comme prosaïque, quelques-unes des « vérités » breillatiennes faites de ce mixte bien contemporain – on le retrouve chez Virginie Despentes, mais aussi chez Annie Ernaux – qui dans un même mouvement livre tendresse et obscénité, aspiration romanesque et mots crus pour dire la chose, quête éthérée du bonheur et violence du désir, apaisement de l’âme et trouble organique, bref une confusion permanente. C’est que le thème de la confusion, thématique centrale de la plupart des morales sexuelles comme d’ailleurs de la psychanalyse, pourrait bien être le support de la vision féminine (re)trouvée du corps amoureux. Ce thème est finalement l’argument majeur du film et laisse ainsi augurer d’un possible renouvellement, par la grâce d’une approche féminine de l’amour, de l’érotisme humain.

Hélas, assez conventionnellement, la confusion s’interprète comme un « cauchemar grotesque », selon les termes mêmes de la réalisatrice. La dualité corps/âme revient sur le devant de la scène et reçoit dans le film de Catherine Breillat un traitement onirique digne d’un triptyque de Jérôme Bosch. Comment mieux assurer que le hiatus conjugal initial des personnages centraux n’a d’autre fondement que la disjonction des sources spirituelle et corporelle de l’amour. Qu’il n’y a jamais, pour les uns et les autres, rien d’autre que des manières compulsives de la réitérer. Que ce soit, pour l’héroïne, avec un amant de passage ou dans le raffinement d’une sexualité alternative sado-masochiste, voire dans l’enfantement. Quoique sur ce dernier point le film autorise une double lecture. La première, inclut la maternité dans l’impossible quête de l’unité – c’est, disons, sa version freudo-buñuelesque -, la seconde, a contrario, va l’exclure, c’est, sa version chrétienne, celle de l’exception de la nativité. En dernière analyse, la femme n’est pas mieux lotie que l’homme, l’amour (con)fusionnel leur reste inaccessible. Partant, la densité sémantique du discours off, la diversité des ingrédients filmiques concourant à la transmutation onirico-symbolique des scènes de la vie quotidienne, telle la périodisation coloriste, etc., toute la matière du film tend donc à imposer cette conclusion.

Et c’est là que Romance livre sa véritable dimension idéologique – au sens plein du terme. Il n’y est finalement question que de renouer avec une vision, d’origine platonicienne, confortée par les monothéismes religieux et popularisée par les morales ordinaires, selon laquelle il existerait deux sortes d’amour. L’un, noble et méritoire, indexé sur la supériorité de l’esprit et la pureté du sentiment. L’autre, veule et avilissant, marqué du sceau de la matière et du plaisir éphémère. Tandis que le premier ressortit du divin qui loge en chacun de nous, le second, ne sollicite que la bête qui y habite aussi. D’où l’antagonique tension entre les deux. Tension revendiquée par toutes les ontologies et philosophies morales de l’incomplétude, à l’occasion dépassée par les artifices des mysticismes. En tout cas, point d’ « érotique solaire », comme le dirait Michel Onfray, dans tout cela. Point d’éthique pragmatique à la manière épicurienne, de quête d’une bonne distance entre les êtres et d’un bon dosage entre nos pôles énergétiques, d’eumétrie empirique, selon la formule du philosophe contemporain. Rien que le désir de combler le manque originel. Que l’on invoque d’ailleurs le mythe de chronos ou le péché originel, l’ontologie platonicienne ou l’allégorie biblique, l’éthique du philosophe athénien ou la morale sexuelle du christianisme – ce platonisme pour le peuple, selon la formule de Nietzsche -, il n’est question que de transcendance formelle de l’Amour, de poursuite d’un immatériel altruisme, bref, de condamner Eros au profit d’Agapê. Le film, à sa manière, suit cette trame millénaire. Il procède à une sorte d’apologie de la quête de son complémentaire. Sexuellement, lorsqu’il s’agit de triompher de la frigidité de Paul. Moralement quand le désamour de Paul engage Marie à penser qu’il ne mérite même pas qu’elle le trompe. Psychologiquement et socialement, lorsque le désir d’enfant se fait irrépressible et réactive la connivence. Moralement encore, quand il faut mobiliser une figure paternelle lors de l’accouchement de Marie, ce à quoi se prêtera le verbeux maître d’école sado-masochiste. Et l’on pourrait poursuivre encore. Les entités irréconciliables que l’on rencontre aussi bien dans les dialogues platoniciens que dans les morales pratiques judéo-chrétiennes et leurs avatars laïcisés hantent ainsi la réflexion breillatienne sur l’amour – et peut-être d’abord le désir d’amour -, qui est censé rendre signifiant la sexualité de la femme. Assurément le film de Catherine Breillat opère ce retour réflexif sur les fondements de nos conceptions de l’amour. Malheureusement, il le fait sous l’égide d’un parti pris idéologique, historiquement élaboré et singulièrement opérant dans nos sociétés.

C’est au moment où ce discours féminin sur la sexualité féminine se donne pour le plus abouti, qu’il verse purement et simplement dans une vision des plus éculées de l’amour, et partant dans une conception qui, socialement comme personnellement pour l’héroïne, conduit à la frustration du désir féminin, voire à la frustration féminine du désir. A moins que ce ne soit là, en dernière instance, la leçon (psychanalytique) du film ? Quoi qu’il en soit, sa construction repose entièrement sur ce glissement sémantique et ne reçoit de validation qu’à l’intérieur de l’option idéologique précitée.

Pour s’en convaincre, reprenons la progression de l’argument central. Marie, jeune femme banale, irréprochable, (hormis une mèche rebelle qui lui entrave toujours le regard), plongée dans un univers virginal, n’était donc son Paul qui, par goût et profession, n’a de cesse de s’exhiber publiquement et de s’emmailloter dans le privé. Il la déshonore en ne l’honorant pas de son sexe. D’emblée sont inversés les rôles sexués stéréotypés. La frigidité est masculine, le désir est féminin. Par contre le sens des gestes se trouve conforté. Ainsi le refus de l’acte, fut-il masculin, reste pervers. Le geste érotique, même féminin, garde de la noblesse puisqu’il opère dans le registre de l’exception, et, on le saura plus tard, dans le but de la procréation. Autrement dit, et à l’encontre des religions du Livre, la femme n’attire plus la colère divine, elle n’a plus à être poursuivie de la vindicte suprême. Elle gagne en pureté. D’où la tonalité virginale des premiers tableaux.

Mais Marie n’est pas vraiment une oie blanche. Si Paul incarne toujours mieux la figure de l’apôtre de la détestation de soi et des autres – à l’instar de l’évangéliste misogyne, Paul perçoit la nature peccamineuse de toute relation avec les femmes – Marie va revendiquer sa part de plaisir. Elle entend récuser la « charia tacite » qui la lie à son homme. Et, c’est là qu’elle se perd. La tonalité sanguine l’emporte. Le verbe se fait cru. L’image réaliste – les stars consacrées du porno y concourent grandement. L’apogée et du plaisir et de la perdition s’incruste dans la chair mariale, l’enchaîne par et pour un autre maître. Sauveur qui la précipite loin de son rêve virginal.

A moins que, l’enfant ? L’annonce faite à Paul, rétablit, pour un temps seulement, l’équilibre. Paul et Marie, tout énamourés de l’enfant futur. Des scènes dignes d’un tableau de crèche de Noël vont nous les présenter ainsi, l’obstétricien et le matériel échographique remplaçant le bœuf et l’âne. Ce faisant, c’est l’équilibre biblique qui vient ainsi d’être rétabli. Mieux, c’est l’équilibre paulinien qui va l’emporter. La femme enfermée dans sa grossesse. L’homme éparpillé en ses représentations publiques. L’humain fractionné en un bas et un haut. Un sexe qu’on brutalise, un cœur et une âme qu’on couve avec chaleur. Entre les deux se trouve érigé l’infranchissable, l’irrémédiable, le lieu où se joue l’enjeu suprême, la césure ontologique. Dans le film, le rêve de Marie en femme tronçonnée, tronquée, tronchée et finalement trompée, l’énonce naïvement. Le conflit est donc permanent entre le corps et l’âme et la confrontation sans issue. Sauf, allégoriquement, en propulsant dans le monde des vivants l’alter ego de celui qui, sourd à tout amour, s’en est trouvé à jamais écarté. Paul est mort ! Vive Paul !

Le film de Catherine Breillat ne propose rien d’autre qu’une sorte de rémanence de l’économie de l’échange amoureux préconisée, sur fond de philosophie platonicienne, par les trois grandes religions abrahamiques. Rien d’autre que la poursuite des hostilités entre la « loi » et la « chair », comme l’avait formulé saint Paul. Est-ce par défaut de théorie amoureuse alternative, d’ « érotique solaire » possible ? Par dépit de pouvoir faire triompher la vision féminine du désir féminin ? Reconnaissons à Catherine Breillat le pouvoir de ne point le dire. Mais reconnaissons aussi que Romance ruine la tentative de construction d’une conception de l’amour sur la différence anthropologique du masculin et du féminin. La catégorisation sociologique du genre se révèle donc impropre à fonder autrement que dans les termes réactivés de la névrose obsessionnelle paulinienne : méprisons le corps, surtout celui de la femme. Pour produire une autre vision de l’amour, du désir et de la sexualité, il faut sûrement d’abord se guérir de l’atavique névrose. Et pour ce faire, tenter de comprendre sur de tout autres bases théoriques les ressorts historico-idéologiques de la fabrication des identités sexuées.

 

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