Cette dernière chronique de la 73e édition du Festival international du film de Saint-Sébastien vise à rendre hommage à une série de films non primés. Par exemple, Couture, le film franco-américain réalisé par Alice Wincour avec Angelina Jolie.
Il convient de noter d’emblée que le rôle de la célèbre actrice américaine, qui incarne une réalisatrice renommée qui découvre qu’elle est atteinte d’un grave cancer du sein, sert uniquement de catalyseur à une série d’histoires de femmes travaillant dans le monde de la mode. La grande originalité de ce film réside dans le fait qu’il met, pour une fois, en lumière la cheville ouvrière de la mode. Il était temps de donner une voix à la maquilleuse de mannequin qui rêve de devenir écrivaine, à la couturière qui passe des nuits blanches à coudre des vêtements de grands créateurs, à la mannequin africaine qui porte en elle les traumatismes d’une réfugiée de guerre et qui rêvait en réalité de devenir pharmacienne.
Couture, c’est donc l’histoire des « petites mains » de l’industrie de la mode et met en évidence la face humaine et cachée de ce qui se passe au-delà des podiums. Une belle histoire de vulnérable humanité féminine vivant et survivant à l’ombre d’une entreprise commerciale comme la mode, belle, riche, mais éphémère.
Changement de registre : des top models de la Fashion Week de Paris aux jeunes paumés de Londres. Dans Le Fils et la Mer, deux jeunes londoniens partent en train pour les côtes écossaises reculées, battues par les vents et les vagues de la mer du Nord. Interprétés par Jonah West, Stanley Brock et Connor Tomkins, ces garçons trouvent leur raison de vie, la valeur de l’amitié et l’honneur simplement en s’abandonnant au rythme de vie local, à des années-lumière de l’environnement urbain aliénant qu’ils connaissent. Les dialogues sont rythmés par des rencontres avec un homme sourd-muet, qui montre que le contact humain va bien au-delà des mots. Notons que Le Fils et la Mer est le seul film dont les protagonistes sont exclusivement masculins. Particularité additionnelle : ce film est réalisé par une femme, mais rien de féminin dans ce premier long-métrage de la réalisatrice britannique Storma Cairns.
En chinois de Macao, le mot « gwai-li » signifie fantôme et désigne les personnes souffrant d’une addiction incontrôlée au jeu de hasard. Autrement dit, les personnes souffrant de « ludopathie ». Le film The Ballad of a Small Player, « La Ballade d’un petit joueur » raconte l’histoire d’un « gwai-li », interprété par Colin Farrell, un escroc irlandais traqué par la justice qui tente de se faire passer pour un lord anglais afin d’accroître son prestige auprès de ses créanciers et qui souffre d’une addiction à la roulette et à d’autres jeux d’hasard.
Tourné principalement à Macao par le réalisateur Edward Berger dans le style des films d’action chinois, le « gwai-li » finit par trouver la rédemption, non sans avoir ruiné la vie de la seule personne qui a tenté de l’aider.
Soulignons que Berger est un Allemand qui semble avoir saisi le côté obscur de la culture anglo-saxonne. Bien que cela ne soit pas évident au premier abord, il m’est apparu que deux dialogues m’ont semblé êtr les deux faces d’une même pièce, dialogues qui pourraient expliquer de manière originelle, le secret de la conquête anglo-saxonne du monde.
Le premier est celui où un véritable lord anglais, également escroc et joueur compulsif, explique dans une confession étrange et menaçante comment les pensionnats « publics (de nom, mais pas de fait) » préparent la haute société britannique à devenir des « absolute bastards », des « parfaits salauds ».
L’autre moment fort du dialogue à ne pas manquer est celui où notre « gwai-li » Farrell interpelle la femme, agent de justice britannique venue tenter de l’arrêter pour fraude commise dans son pays natal. « Nous sommes tous deux nés dans des îles grises et pluvieuses… » lance le fugitif irlandais à l’Anglaise venue l’arrêter, interprétée par Tilda Swinton…
La scène finale, où Farrell et Swinton dansent un slow, est ouverte ; mais compte tenu du dialogue précédent, les deux enfants des îles grises et pluvieuses essuient probablement leur conscience et se chauffent auprès des lumières de la ville chinoise de Macao.
Voilà, peut-être pourquoi les Britanniques ont étés et continuent à être (même indirectement) les maîtres.