Les « Dieux » du Pérou et le pouvoir métis de la gastronomie, couronnés au festival de Biarritz

Le citronnier

La 17e édition du Festival de Biarritz du cinéma et des cultures d’Amérique latine distingue « Les dieux » du péruvien Josué Méndez.

Le jury, présidé par l’actrice Elsa Zylberstein et composé par l’écrivain Antonio Skármeta, de Safy Nebbou, Guillaume Laurant, Jean-Claude Lamy et Noëlle Deschamps a décerné le prix du meilleur long-métrage à « Dioses », réalisé par Josué Méndez.  Les « Dieux », protagonistes du film de Méndez, sont les familles de la classe dominante du Pérou. Le film raconte une histoire sordide où se mêlent inceste, hypocrisie et pouvoir. Le réalisateur connaît son sujet par cœur puisqu’il a étudié dans un collège de Lima avec les fils de cette haute bourgeoisie qui représentent 0,01% de la population de son pays. « En les côtoyant, dit-il, j’ai souvent ressenti de l’écoeurement pour la prison doré dans laquelle ils s’étaient enfermés afin de défendre la pérennité de leur caste et pour que rien ne change au Pérou ». L’écoeurement dont parle le réalisateur est perceptible à l’écran à travers une autre langue que l’espagnol, c’est la langue des bonnes, des domestiques qui s’expriment en langue quechua, la langue des anciens Incas et du Pérou traditionnel et profond. Josué Méndez nous suggère ainsi que la conscience du Pérou, l’espoir de changement, se trouvent désormais de ce côté -là du pays réel et non plus dans le monde hermétique et hypocrite des héritiers blancs de la puissance coloniale.

Le Prix spécial du Jury, la « médaille d’argent » de la compétition est allé à « Estômago » (Estomac), film co-produit par le Brésil et l’Italie et œuvre du brésilien Marcos Jorge. Le réalisateur a fait un choix original : la cuisine comme métaphore des rapports de force et de pouvoir entre les hommes. Le film raconte l’histoire d’un pauvre brésilien doté d’un don inné pour la cuisine et qui apprend le métier chez le propriétaire d’un restaurant italien huppé. Suite à un crime passionnel, le protagoniste se retrouve en prison où il reprend du service auprès d’un caïd. Le rapprochement de la cuisine et de la prison pour évoquer le pouvoir est original. Selon Marcos Jorge ces univers sont comparables car ils dévoilent le fonctionnement des relations humaines. Dans ces espaces confinés et fermés, les conflits humains sont vite exacerbés. « Il y a ceux qui mangent et ceux qui se font manger », a expliqué le réalisateur. « La cuisine est née lorsque les hommes ont maîtrisé le feu et l’homme est devenu l’unique animal qui cuisine », a dit le réalisateur « Par la cuisine, des relations de pouvoir se sont instaurés car le fait de savoir préparer les aliments donne un certain pouvoir sur ceux qui les mangent ». En effet le protagoniste du film, jadis perdant, qui « se faisait manger » dans la vie, se transforme, grâce à son talent de cuisinier, en gagnant « qui mange les autres ».

Mais « l’estomac » de Marcos Jorge n’est pas seulement une histoire originale d’un homme qui n’a pas froid aux yeux et de « self made man », grâce à son talent. L’œuvre de Jorge parvient à décliner un discours sur la diversité culturelle de façon moderne et singulière. La cuisine, entendue comme lieu de croisement des aliments, devient une métaphore du métissage culturel, un métissage qui est clairement créatif et gagnant. Il n’est peut être pas anodin qu’un tel message nous soit servi par un réalisateur brésilien justement dont le métissage du pays est proverbial.

Le Jury de cette 17e édition du Festival de Biarritz ne cache pas sa sympathie pour « La buena vida » du chilien Andrés Wood. Les prix des meilleures interprétations masculines et féminines sont allés à Aline Kuppenheim, Manuela Oyarzún et Roberto Farias, tous protagonistes de « La buena vida » . Ce film raconte l’histoire de quelques citadins de Santiago aux prises avec les difficultés quotidiennes de la vie. Tous aspirent à quelque chose à portée de la main, mais qui leur échappe . Ces « quatre histoires urbaines » a plu au Jury qui a voulu ainsi couronner leurs interprètes. Leur jeu en effet demeure profondément humain. En effet « La buena vida », la bonne vie aurait pu s’appeler « la buena gente » les bonnes gens, mettent en scène des personnes qui font ce qu’elles peuvent pour s’en sortir sans faire du mal à personne.

Le Prix du meilleur court-métrage est allé à « El deseo », le désir, film mexicain de Marie Benito, réalisatrice française résidant au Mexique. Ce court métrage raconte la vie d’une femme déprimée qui cherche par une aventure sexuelle à se retrouver après avoir été abandonnée par son mari. Le prix de l’Union latine, institution internationale née pour appuyer les initiatives culturelles des pays de langue latine, a decerné le prix du meilleur documentaire à « La sombra de Don Roberto ». L’ombre de Don Roberto est une œuvre du chilien Juan Diego Spoerer qui suit, caméra à l’épaule, un garçon qui part visiter une mine de salpêtre dans un village en plein désert d’Atacama. Le temps passe et le vieil homme qu’il est devenu, décide de repartir vivre dans ce même village.

Enfin le Prix du Public, le prix décerné par les spectateurs, revient à « Cosas insignificantes » les Choses insignifiants de la mexicaine Andrea Martinez (voire chronique précédente)

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